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Marc-Henri Arfeux au fil des jours : Publications, Nouveautés, Evénements

23 septembre 2016

LIVRES UNIQUES : CHEMIN DE LOUVE

Il en va des livres uniques comme des voyages à pied : selon l'invitation des pas et du chemin conjuguant leurs msytères, peut naître un paysage entièrement neuf. C'est en substance ce qui est arrivé lorsque ouvrant un précieux petit carnet de dessin et de peinture qu'une amie m'avait offert quelques années auparavant, et qui était demeuré à son état initial, vide de toute inscription, j'ai commencé un soir il y a quelques années de tracer aux encres ce qui allait devenir assez vite l'équivalent visuel de Chemin de Louve, longue séquence poétique comprise dans Patience de l'horizon, paru en 2010 aux Editions Souffles. Ce qui avait jusque alors été présence en écriture prenait forme neuve par le visible - déjà par le passé, une première correspondance s'était tracée par la substance musicale autour de ce même cycle de poèmes. Par les feuillets de ce petit carnet, Chemin de Louve est donc devenue cette suite, sentier d'images traversant l'invisible, par la seule manifestation des formes et des couleurs. On trouvera ci-dessous quelques uns des poèmes dont cette suite purement visuelle a constitué l'écho sans verbe, ou plutôt par un verbe d'image rangé dans une petite boîte à sa mesure faisant de lui un livre objet paradoxal.

 

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I

 

Cela de toi que rien ne peut saisir,

Louve écartée de tout chemin.

Guettant parmi les feux, tu trembles de lisières

Dans le désert du vent, 

Par neige et nuit sans horizon.

 

Tes yeux planètes ont captivé l’angoisse

Et l’ont donnée à ton blason.

Tu veux une eau tombée du vide

Et la pureté de la falaise,

Enracinée d’en haut ;

 

Tu veux la foudre entière,

La nuit fendue d’azur, le signe de l'abeille

Jusqu’au plus noir de ton vertige,

Louve amoureuse et ravageuse,

Portant l’épée de ton silence,

Pure insoumise,

Mangeant la neige à pleines fougères

Dans un ravin d’étoiles.

 

Demeurent tes yeux,

Veillant la distance,

En leur jardin d'encerclement.

 

 

 

 

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II

 

Lointaine, ô demeurant loitaine,

Et si légère

Dans le lointain avant-pays,

Tu vas,

Malgré l'hiver,

Ta rose nuit pour seule image

Dans les ronciers.

Errante est la fraîcheur que tu portes en mystère

Comme un oiseau caché ;

Sur tout le jour s'étire un seul instant.

 

Puis tu pénètres en des chemins sans lieu

Que nulle maison n’appelle

A son orient de lampe.

Leurs jeux noués déchirent et te sidèrent,

Ma disparue de neige,

Pressée de comparaître et de nommer le seul,

Osant la nuit comme on se jette à la morsure en implorant son lait,

Pour le cracher ensuite, et piétiner sa propre face,

Puis se lever, tremblante, et s’étonner du jour,

Louve attendrie par les ciseaux de tout visage,

Prête à brûler le feu dans un mortier de larmes,

Louve agonie,

Limpide et morcelée,

Tenant la soif entre tes dents,

Criant,

Serrée de près sous un torrent d’azur.

 

 

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V

 

Tu dors,

Jambes écartées de solitude,

En un pays de gestes et de mélanges

Où rien n’est adoré.

La soif est à tes pieds.

Elle ne sait pas de nom qui apaiserait le sable

Aux vitres dépolies.

 

Dehors tremble aux éclats ;

Tout vibre de passages et de regards tranchés

Sous les asphaltes de lumière.

La même après-midi, toujours,

Presse à tes yeux défaits

La déambulation forcée de sa géométrie.

 

Dès ton éveil, tu  dois aller aux livres morts

Dont les insectes attentifs

Ont des raisons de mandibules

Interdisant l’eau fraîche.

Longtemps, tu restes assise et clôturée

Parmi ce peuple de jeunesses

Taillant ses corridors aux flancs des monuments.

 

Quelqu’un, croisant tes yeux,

T’emmènes enfin dans un jardin de pierre

Où persiste un feuillage avec espoir de nuit.

Un escalier s’y donne à voir

Aux ouvertures de la stupeur,

Jusqu’au sommet de son appel

Interrompu d’un toit.

Alors, tu reconnais le cri,

Et te souviens que tu es Louve.

 

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XI

 

Tu entres au noir asile de ta douleur formée.

Ici tu deviendras ce que promet le sol

A toute feuille qui se libère.

 

Tu seras l’ignorance, la non meurtrie,

La répandue bercée de fièvre

Par les baisers de sa dépouille,

Repas d’hiver qu’on vient flairer puis qu’on délaisse

Comme toute chose qui se résorbe

A l’angle du hasard,

 

Ma sœur élémentaire,

Tournée vers la paroi que nul reflet ne touche,

Laissant monter à petit rien dans tes draps en sueur

La lente germination voulue de ton oubli.

 

 

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XV

 

Tu arrives un matin, à l'heure du gel intact.

Le déambulatoire des voix s'éveille à peine.

Chacune est la bougie de son amour dans les ténèbres.

Tes soeurs par le mystère les portent à ta rencontre,

Et tu deviens, pleurant de neige et de verger,

L'agenouillée sous les parfums.

 

Sept ans donnés tu es heureuse

Au reposoir de ce désert.

Dès le matin, le bol de la ferveur

Modestement scintille

Auprès de la fenêtre.

 

Tu verses ne lui le miel

Formé parmi les cendres.

 

Le flou des heures

Est ton joyau,

Plein chant dans le silence

Et la blancheur de la penée,

Chemin d'oiseaux en terre de lampe.

 

La lampe est devant toi,

Posée contre la table,

Entre les vitres et la lisière,

Et dans cet arbre de gravure

Dont elle est royauté.

 

Tu la regarde en confidence,

Ta main l'effleure, sans diviser

Le cercle pur de sa présence ;

Elle dit le nom de son visage

Qui te rejoint dans l'immobile.

 

 

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11 mars 2016

LIVRES UNIQUES : JARDIN POUR UNE EPAULE

Dans l'aventure des livres uniques nés de hasards heureux par la grâce des fragments, chutes, carnets et débris variés, Jardin pour une épaule présente la particularité d'être entièrement né en une après-midi, le dimanche 21 octobre 2012, à partir de papiers issus d'essais et brouillons de Robert Lobet pour l'un des livres que nous avons publiés ensemble au Editions de la Margeride. Je crois qu'il s'agissait en l'occurrence de chutes du premier livre que nous ayons réalisé, Dévastation de la tendresse. Depuis un certain temps déjà, chaque fois que je voyais ce petit ensemble de restes que m'avait confié Robert afin que je puisse un jour si je voulais en faire quelque chose, je tournais mentalement autour de ses possibles sans savoir exactement ce qui en sortirait. Puis un certain jour, par improvisation soudaine, l'instant de la décision s'est ouvert et le poème ayant été écrit le samedi 20, le livre s'est accompli pour lui le lendemain en quelques heures. Chutes, carton, papiers déchirés, gouache et écriture se sont librement assemblés pour former ce jardin d'une épaule imaginaire en poésie.

 

 

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Paysage de l'épaule,

Ce loin de la parole où le verger d'avril ;

Silence avec le miel,

Un chant d'abeille

Et le sommeil du plein azur,

Epaule,

Genou d'inverse jambe,

Avec la bouche au bas de l'herbe

Et la main nue de l'invisible.

 

 

Samedi 20 Octobre 2012

 

 

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Voici d'autres poèmes, inédits, de l'année 2012, pour accompagner au fil des pages et peintures la suite de Jardin pour une épaule.

 

L'oiseau de source entrelacée

Est au triangle de l'azur,

Flambant parmi les nombres d'or,

Maison légère au noeud d'un chant

Qui se dénoue apr son cristal,

 

Vivant feuillage

A l'invisible du silence.

 

Dimanche Premier Janvier 2012, 18h25

 

 

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Et la très seule est là,

Vêtue de larmes,

Avec pour seul silex

Le prix de sa beauté,

Terrible et prix de signes durs

Cousus à sa matière.

 

Elle n'a que ce trésor

Et quelques autres dons

Cachés aux yeux de qui la touche

Selon sa vocation.

 

Parfois, elle lit de longues saisons durant,

Echappe au paysage qui la contient,

unique et inutile, né pour l'ailleurs

Qu'il interdit ;

 

Puis de nouveau, bois et vallons la prennent

Et la séduisent ;

Et elle s'allonge au fond des fleuves

En écoutant,

Les yeux ouverts à ses oiseaux

Criblés de sel.

 

Elle en connaît l'ardeur,

Les exigeants parfums

Ensorcelant miroirs et fruits

Pour le haut chant fermé.

 

Toujours elle en attend

La délivrance d'un arbre mûr

Formé jusque à l'issue.

 

Puis elle revient encore,

Fendue sous les idoles,

Plus nébuleuse et pure

Qu'un cercle sans partage,

Et cependant brisée

En mille instants de givre.

 

Son nom reste incertain

Dans les appels muets,

Malgré le feu de lune

Follement entretenu

Sous un drapé de roses.

 

Si délicieuse, et vide,

Avec son vent d'orage,

Mais nulle averse et jamais rien.

 

Seulement le lait de jours

Transfigurant l'envers,

Le beau désert de ses images

Vendues au plus absent.

Mais celui-ci rayonne

Qui lui promet une aube.

 

Mercredi 4 Janvier 2012, 16h05

 

 

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Songe à nos yeux blessés de fleurs

Et de tous chants qui s'illuminent

Aux gestes de ta robe.

Songe à l'immense de ce jardin.

 

Il tient en neige entre nos doigts,

Proche et lointian comme une enfance.

 

Tu écartes les jambes, et je ne vois

Que mon oubli,

Brûlant l'hiver de sa merveille

Au pilori des draps,

Ô mon insecte amour !

 

Nous traversons ailleurs

Séparément l'asile

Où se croyant tisser,

La jambe défait la jambe,

Laissant la bouche à ses silences.

 

Alors la nuit nous conduisant

A la croisée

De vastes et nus chemins

Accompagnés de doubles.

Ils sont nos dieux de solitude,

Amers et durs comme des mendiants.

 

Mais aucun d'eux ne parle

Ou ne supplie nos coeurs,

Aucun ne veut, sinon la nuit,

Le grand décembre sans lisière

Brûlant l'anneau du seul.

 

Ni frère, ni soeur en ce très loin,

 

Ô si légère

Ma refusée,

Liée liante

A ce matin qui ne vient pas.

 

Mercredi 4 Janvier 2012, 17h15

 

 

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La nuit s'assied dans la maison

Et le silence est à sa droite,

Dans la maison feuillée,

Avec le chant de la fontaine

Et les oiseaux semés d'étoiles,

Maison aimée de lampe et de promesse.

 

Je viens prendre ma place

Auprès du vent qui dort.

 

Lundi 3 Septembre 2012, matinée

 

 

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A distance de quatre années, j'achève ce retour amont par un poème improvisé en écho à Jardin pour une épaule :

 

Le monde est cette épaule et ce jardin

D'attente ouvrant lumière,

Lèvres du vide, offrant sourire par cet azur,

Peut-être d'un secret

Qui monte à leur silence mouillé de jour.

 

© Marc-Henri Arfeux, samedi 12 Mars 2012, 10h38, all rights reserved

 

28 février 2016

LIVRES UNIQUES : NAISSANCE D'UN PROJET

La collaboration avec les peintres donne naissance à des aventures infinies en écriture et en livres. L'image picturale éveille le poème comme la lumière ouvre la fleur de lotus qui sans mouvement attendait son possible entre les ciels. Inversement, le poème appelle l'image, soeur dans le silence qui la prolonge et la déploie selon sa profondeur. Avec Robert Lobet, cette aventure est devenue, au-delà de l'amitié venue dès notre première rencontre à Lodève, en 2006, et des livres créés ensemble au creuset de sa très belle maison, les Editions de la Margeride, suggestion d'ouvrages uniques par le simple jeu des chutes et des beaux papiers dans l'atelier, ou les envois de Robert. Des poèmes peintures sont alors nés en un seul exemplaire, puis de petits livres complets, soit par ces feuillets prélevés, soit par les petits carnets d'écriture créés par Robert, et que j'ai collectionné au fil de nos rencontres, puis réorienté sous la forme de micro livres que j'appelerais volontiers des poèmes peintures.

  

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Livre objet, gouache, acrylique, pastels, 2007

 

Plus récemment, l'amitié créatrice avec Thierry Lambert rencontré à l'occasion du cinquième salon du Livre d'Artiste de Lucinges, autour de Michel Butor, en octobre 2015, a  relancé cette aventure du livre unique, et ceci d'autant plus que Thierry m'a fait découvrir un étonnant groupe de poètes et d'artistes plasticiens réunis dans l'association Arthésée. Tous ont une longue pratique du livre d'artiste et je reparlerai prochainement de ce que cette collaboration en duos ou multiples variations polyphoniques peut faire naître. En attendant, je voudrais retracer ici ma propre aventure en un équivalent poétique de ce qu'on appelle au théâtre un solo, par le poème et la peinture, sous diverses formes constituant un même chemin aux directions ouvertes.

 

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Livre peinture, gouache, première et quatrième de couverture, 2012

 

Cette aventure a en réalité connu sa préhistoire dès les années 1990 avec la série des Livres Lumière, sortes de stèles livres initialement conçus à partir de 1995, qui proposent chaque fois la vision d'un volume ouvert sur une unique double page constituant sa raison d'être et son énigme. Le livre objet est parfois assorti d'un texte plus ou moins lisible selon qu'il a été sciemment recouvert. Travaillés à la peinture, aux vernis, mais aussi à l'aide de matériaux aussi divers et innattendus que le miel, la poudre de curry, la cire à dorer, ou même des fils de couleur, ces livres sont avant tout des objets poèmes dont la présence plastique se suffit à ele même, plutôt que des livres d'artistes au sens propres du terme. Chacun possède une unité qui lui est propre, mais ils peuvent aussi se découvrir comme un ensemble à géométrie variable.

 

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 A l'origine, les Livres Lumière se veulent relevés héliographiques, empreintes spontanées du monde, à l'image des jeux d'ombre et de clarté, mais aussi de luisant, de mouillé, jusque à ceux de la fraîcheur elle-même, en relation avec les rives du Léman dont ils sont comme des pages poétiques ou des livres d'heures, parfois en référence à un passage du Voyage en Orient où Gérard de Nerval évoque sa rencontre avec un compatriote et sa conversation avec lui, devant les pyramides, tandis que le soleil agissant sur la plaque d'un appareil photographique se livre à ce que le poète nomme une héliogravure. A ce titre, les relevés du monde peuvent aussi être empreintes végétales. Mais bientôt, d'autres dimensions vont se manifester.

 

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Les Livres Lumière deviennent des objets cosmiques où le monde et sa texture trouvent accueil révélateur, non plus seulement dans la référence aux péhonèmes de l'air et du soleil dans l'espace mouvant des eaux et des horizons du Léman, ou de ses rives, mais à une échelle plus générale, marquant une transmutation progressive de leur intention. Désormais livres mondes, livres matériologiques, ils prennent en chargent les valeurs ontologiques et ses énergies dans un élan total qui les rassemble. Les deux derniers, beaucoup plus récents puisque ils datent de 2014, indiquent que cette série pourrait encore connaître à l'avenir de nouveaux développements.

 

24 décembre 2015

TAROT EN DOUZE POEMES SUR DES OEUVRES DE THIERRY LAMBERT

Thierry Lambert fait partie de ces artistes aussi merveilleusement simples, amicaux et ouverts que nourris de feu dans leur création. Quand on le rencontre pour la première fois, on ne croit pas ses yeux qu'un tel homme et de telles oeuvres soient possibles, tant la surprise ardente est totale et généreusement accordée.

Nous nous sommes vus pour la première fois le 3 octobre 2015, à Lucinges à l'occasion du cinquième Salon du Livre d'Artiste autour de Michel Butor et, à peine deux mois et demi plus tard, j'ai l'impression de le connaître depuis toujours. Simultanément, il conserve en son entier le souriant mystère de son être, et cette double capacité d'évidence et d'énigme ne fait que me rendre plus heureux de lui dédier amicalement à l'occasion de cette fête de Noël 2015, ce Tarot en douze poèmes, composé à son intention.

 

 

 

TL8

 

Nageuse entre les lignes,

Elle vient au jardin clair,

Pelant amoureusement le jour.

L'instant multiplié par le dédale

Tremble à ses yeux,

Chemin d'eau fraîche entrecroisée

Jusque au lointain de fine étoile

En haut d'inverse envol,

Oiseau traçant un cercle d'or

Au plus profond du très limpide.

 

Mardi 22 décembre 2015, 16h48

 

 

 

 

TL11

 

NAÏADE ET SON OPIUM

 

Buvant l'eau blonde et sa jumelle

En des chemins noués de saules

Et de visages errants

Troublant lumière et le buisson des heures,

Tournant, irrésistible et lente,

Autour du rosier sombre

Où git l'enfant de son oubli,

La voix dorée par l'invisible seul,

Appelant dans la nuit,

Nommant les seuils et tous les noms des portes

Au loin de soi,

Régnant sommeil.

 

Mardi 22 décembre 2015, 17h26

 

 

 

 

TL1ba

 

L'oiseau liqueur

Ecoute aux portes des feuillages

La lente maturation des heures

Qui se composent en ce miroir,

Devenant chair lustrale

En masque de blondeur.

La lune s'en étonnera,

Qui vient à son théâtre pâle,

Avec ses hortensias

Offrir l'amande à la fiancée.

 

Jeudi 24 décembre 2015, 13h34

 

 

 

TL3

 

Nageuse, ô marguerite

Insolite et féroce,

Ainsi que scarabée rhinocéros,

Marguerite améthyste

A blanc rayons de miel

Autour d'un bouton d'or

Dont on arrache, un après l'autre,

Les bras menus

Pour les fixer par des épingles

A l'ingénu de pain d'épices,

Coeur d'artichaut touchant au but,

Quand celle qui a la science

Et les baisers luisants

Se déshabille,

Offrant l'ardeur de double jeu,

 

Puis se dérobe.

 

Jeudi 24 décembre 2015, 13h45

 

 

 

 

 

TL10

 

Beau sein taillé par l'air,

Tu as l'ivresse du mont Fuji

Devenu pourpre un soir,

Lorsque la dame en a rempli la coupe

Où tout à l'heure songeait ma bouche.

 

Jeudi 24 décembre 2015, 13h53

 

 

 

 

TL12

 

Feu pur et bleu du végétal ensorcelé

Pressant l'ultime ampoule

Où ton image

Persiste au crépuscule.

 

Jeudi 24 décembre 2015, 13h56

 

 

 

 

TL4

 

Jongleur d'amour et de visage,

Le jaune et rouge gardien des eaux

Forme l'anneau d'ultime automne

Avant le feu

Qui danse avec la neige

Et les arceaux du gel.

 

Jeudi 24 décembre 2015, 14h01

 

 

 

 

TL7

 

Tu n'es pas celle que j'attendais

Dit le matin,

Mais la jeune fée se fait nuage,

Puis sapinière, puis sauge,

Rivière, jument,

Orage survenant à l'aurore

Quand ma poitrine est encore

Noire de lune et de lointain

Sous la tiédeur des doigts.

 

Jeudi 24 décembre 2015, 14h10

 

 

 

 

TL 12b

 

Jardins d'abeilles,

La tapisserie de braises,

De gouttes et d'oiseaux bleus

Comme les visages

Dans la mémoire des soirs de mai.

Fontaine aux cerisiers

Troublant leurs doubles d'un départ

Quand neige et cercles aggrandis

Sous le silence.

 

Jeudi 24 décembre 2015, 14h30

 

 

 

TL2

 

L'enfant désigne son visage

Aux fruits qui le soupçonnent

Et laissent glisser des larmes

Aux troncs ensanglantés.

Pus elle arrache enfin la robe

Inexistante et nue,

Marbrée de mauvais rêves,

Comme sels, aiguilles et cris violets,

Pour affirmer l'enfant solaire

A la croisée des jambes

Aux beaux genoux humant le ciel.

 

Jeudi 24 décembre 2015

 

 

 

 

TL7b

 

Lunaire d'après-midi

Chantonne à la fontaine

A l'ombre des petits poissons d'azur.

Celle qui dessine au doigt dans la chaleur,

Poupées de sable pur brûlant d'oubli,

Chantonne à la fontaine

A l'ombre des petits poissons,

Les seins léchés longtemps jusque au sommeil.

 

Jeudi 24 décembre 2015, 15h11

 

 

 

TL7bc

 

Adieu, lèvres brûlés du long linceul,

Poupées mes douces,

Tissées de rouge,

Ensevelies sous le château des roses.

Vous revenez par ce brouillard,

Blason d'apesanteur où dort le sang,

Tandis que le chat neige

Observe au loin.

Adieu mes amoureuses,

Assassinées par le nuage

Qui emporta vos seins.

Je reste à ce tombeau de la rosée,

Brodant le fin trousseau de vos squelettes

En regardant venir le papillon de nuit

Qui enveloppera mes yeux,

Ma bouche et mes narines,

A l'heure du dernier feu changé en premier jour.

 

Jeudi 24 décembre 2015, 15h22

 

© Marc-Henri Arfeux pour les poèmes et Thierry Lambert pour les dessins

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

14 novembre 2015

THRENE DU JOUR ABSENT, EN MEMOIRE DES VICTIMES DES ATTAQUES TERRORISTES DU 13 NOVEMBRE 20015

Thrène du jour absent

 

En mémoire des victimes des attentats du Vendredi 13 Novembre 2015

 

Demain est un silence
Que la lumière ne connaît pas ;
Demain n'a pas de nom
Ni de chemin dans l'innommable ;
Le seul est seul avec le sable,
Et tous jardins sont clos.

Ne restent au bord du vent
Que lampes à clarté noire
Où les visages avaient des yeux,
Ni mains, ni lèvres de rosée
A l'orient d'une épaule,
Ni le bouquet d'un sein 
Naissant de la fraîcheur.

Demain s'efface,
Demain n'est plus,
Seulement la cendre
Et l'aveuglante épine
Ensemençant le long désert.

© Marc-Henri Arfeux, ce 14 Novembre 2015

 

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19 mars 2015

RECEPTION A L'ACADEMIE RHODANIENNE DES LETTRES

Samedi 14 mars 2015, j'ai été reçu au sein de l'Académie Rhodanienne des Lettres au cours d'une séance amicale et chaleureuse à Genève. A cette occasion, mon ami Hervé Bauer, poète dont l'oeuvre compte parmi celles qui explorenles lisières du langage et de l'étrange expérience d'exister, a dit un très beau texte consacré à mon travail d'écriture. J'ai ensuite pris la parole afin de présenter aux académiciens quelques éléments de réflexion consacrés à ma vision de la poésie. Ce sont ces deux textes que l'on trouvera ici, accompagnés de quelques photographies prises au cours de cette séance.

 

 

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UNE PURE PALPITATION D’ÉNIGME

 

Le mathématicien  Andrew  Wiles fut certain d’avoir démontré le théorème de Fermat  eu égard, dit-il, à l’élégance de son ultime équation. C’est en ce sens, où la beauté prouve la vérité, qu’on pourrait parler de l’élégance de l’écriture de MH Arfeux.

Cette œuvre, par les voies contiguës et, cependant, clairement séparées, de la poésie et de la prose, opère, selon les moyens propres de l’une et de l’autre, non pas une  saisie, prédatrice, mais bien  plutôt, frémissante, étonnée, une approche de la réalité. Celle-ci, alors, préservée dans sa pure palpitation d’énigme.

Si l’on considère le livre de poèmes intitulé « Patience de l’horizon » , le poète y tente moins de circonscrire un lieu que de le déchiffrer. Il ne s’agit nullement  d’épuiser, à la dire, la présence, mais d’y puiser, inaltérable, l’indicible. Cela requiert des usages poétiques  qui fassent droit au drame  fondamental qui se joue entre la parole et le silence. Le poème est là où cela « s’articule ».  A l’orée  des choses,  dans leur clairière et leur promesse. Poésie, oui, de l’advenir et,  partant, de l’attente…Anxieuse, patiente attente de louve avant la forêt des signes et des présages. « Tenant la soif entre ses dents ».  Ainsi l’écriture,  altérée comme amoureuse.  Ecrire, ici, est disposer  les objets votifs, la lampe, l’horizon  du visage, la rosée et les roses : liturgie.  La poésie touche au sacré comme à sa rive. Elle déborde, alors, en tel vers absolu où l’amour  et le meurtre s’éprennent l’un de l’autre : « Et tu souffles la flamme avant qu’elle te poignarde. » Ecriture du tremblement,  qu’éclaire parfois un soleil panique. Ecriture tremblée, dans l’annonciation de toute chose…

Le poème en éclats de « Lueur par le silence » réamorce la lecture.  On y entre comme en un seul jardin des supplices et des délices. Les cendres  cernent la chair .La chair de personne. Ecriture, donc, née de personne qui traverse l’écriture.  « …la lampe aiguë » éclaire, cruelle ,la chair qui « …tremble de lueur » . Qui donc à la veilleuse ? En ce jardin que l’enfance rend primordial, « L’enfant de la pâleur/N’a que sa robe et la forêt/pour entourer sa fuite. » Reste que, peur ou clémence, le poète adopte simultanément le point de vue de l’aube et du crépuscule, on l’a compris, le point de vue de la fuite du temps et de la fugue enfantine. « Elle passe entre les ronces,/Tenant contre elle,/Le mince ouvrage de sa fumée. »  Le poème, là encore, tremblant et tremblé, écrit à la lueur du silence, de l’enfance qui ne parle...d’une enfant rêvant, rêvée  « Comme une lampe émue/posée à terre. »  Le miroir traversé, le pays archaïque revient.

 «Patience de l’horizon » vient des rives et des dieux de la Méditerranée, de l’adoration de la lumière, que perpétue la poésie mitoyenne de Salah Stétié où se retrempe, éblouie, celle de Marc-Henri Arfeux. L’écriture de « Lueur par le silence », elle, filée à la lampe.

 

 

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C’est bien de l’élégance que ressortit, plus encore, la prose, chez MH Arfeux. Le récit intitulé « L’éloignement » en témoigne, dans le geste d’écrire, au-devant d’une révélation  qui exige  autant la forme que la formule.

Le narrateur s’apprête à habiter  une maison, seul, toute une année, selon la clause imposée par le propriétaire, inconnu, des lieux.  On n’est pas sans penser au contrat que, pour recueillir son héritage, doit respecter Martial de Mégrémut, assigné à résidence sur une île inhospitalière du Rhône, dans  « Malicroix », de Henri  Bosco. Mais, ici, pour étrange qu’elle soit et se donne à l’hôte, l’intrus, avant qu’une lente approche lui en livre, pour ainsi dire, la clé, la demeure, d’emblée exerce son charme. « La maison m’avait plu, pour ce qu’elle se trouvait très à l’écart, en position d’attente, à la lisière de la forêt. » Le récit se constituant, phrase après phrase comme un dispositif d’attente. D’où le frémissement, d’eau ou de pelage, tout au long, le bruissement végétal qui s’empare des êtres et des choses. Un je ne sais quoi d’amoureux et de fatal commandant à leur commerce. « Les roses brûlaient la lampe votive de leur parfum dans la lenteur de l’air, créant une île de transparence derrière laquelle se devinait l’émanation plus grave et plus obscure de la forêt. » Loin, finalement, d’habiter la maison, le narrateur s’en laisse hanter, comme d’une très ancienne vacance. C’est une épreuve qu’il doit traverser, non pas seulement  du fait d’une clause mystérieuse, mais de la loi impérieuse de l’écriture. Comme aimer, écrire est attendre et l’attente est une douce et inflexible injonction. Il faut tout entier s’y soumettre, c’est-à-dire se renoncer pour  la promesse. Seul l’absolu du visage entièrement la tiendra. Le visage comme la présence faite éloignement. La seule chose qui puisse lui être comparée est la brûlure d’une parole mystique retrouvée dans le carnet d’une inconnue, consumée de désert et de joie. Le visage de la femme aimée, le narrateur ne l’approchera pas plus, entre ses mains, qu’un astre lointain. Ou qu’une lampe que porte de chambre en chambre, la vestale d’un culte domestique en l’honneur d’une déesse errante.

Un enchantement saisit le texte .Et la lumière diffuse de la forêt est le filtre obscurément versé  par l’amour.  A tout moment, tout peut arriver : « De la forêt naissait une tentation qui s’avançait vers moi » ; on songe, avec André Breton, à cette phrase muette du film de Murnau : « Il passa le pont et les fantômes vinrent à sa rencontre. »

Cette narration impeccable, envoûtante et impeccable, si  elle enserre un secret, c’est pour le garder intact comme l’aura d’un visage perdu.

Marc-Henri Arfeux se tient dans le souffle suspendu de l’évidence, au départ de la poésie et de la prose qui s’éprouvent réciproquement comme chacune des voix qu’emprunte, pour avoir lieu, l’écriture.

Hervé Bauer

 

 

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Madame la Présidente,  Mesdames et Messieurs les Académiciens, cher Hervé Bauer, mes chers amis,

 

Il y aura bientôt 110 ans naissait à Carouge une petite fille que ses parents, tous deux français, prénommèrent Yvonne. C’est le petit fils de cette petite fille qui se tient aujourd’hui devant vous, non sans émotion.

A ma grand-mère, je dois notamment, du fait de sa naissance et de sa première enfance genevoise, la découverte de ce paysage qui est pour moi l’un des hauts lieux fondamentaux de mon émerveillement comme de ma vie intérieure, je veux parler, plus que du Rhône qu’il traverse et nourrit, du Léman, dont Byron disait qu’il est le plus beau lac d’Europe. Sans doute, le grand poète anglais songeait-il aux signes multiples : présence de la montagne, rives tantôt séduisantes, tantôt ténébreuses, château médiéval de Chillon qui, à ses yeux, donnaient à ce paysage valeur d’emblème majeur du romantisme au sens fort du terme, mais il ne pouvait manquer d’avoir senti et vécu avec ivresse la particularité la plus essentielle du Léman, celle qui justifie qu’à mon tour et à mon échelle il soit devenu l’un des blasons secrets de bien des poèmes, l’ouverture de l’intervalle.

Paysage monde, le Léman est aussi à mes yeux figure spirituelle du monde, sourire de l’être, avec quelque chose d’équivalent dans son genre propre à ce que disait Pierre Jean Jouve quand il écrivait de la haute Engadine qu’elle est un paysage chinois. N’aurais-je aucune raison biographique d’être venu de bonne heure sur les rives du Léman, et aurais-je eu la chance de m’y trouver un jour pour de tout autres raisons, la commotion, aussi profonde que fondatrice aurait sans doute été la même. Oui, paysage chinois, qui certains jours semble flotter au-dessus de sa propre plénitude en état de perfection, tel un dieu couché dont le sommeil est simultanément l’éveil à son plus haut degré, suspens  à l’état, pur dans le mystère, sourire de monde sereinement révélé dans la lumière.

 

 

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 Comme vous le devinez, si j’ai choisi de commencer  par cette évocation du Léman, c’est qu’il est à titre tout à fait personnel l’un des paysages ontologiques indispensables  à ce qu’on nomme la poésie. Loin d’être seul de son espèce dans l’écriture qui m’accompagne et me relie, il signifie bien autre chose qu’une simple référence dont l’intérêt serait seulement anecdotique. Parlerais-je aujourd’hui devant les membres d’une Académie Rhénane des Lettres, je l’évoquerai de la même manière. Comme le poète Salah Stétié, en qui je reconnais un véritable père spirituel et qui est l’un de mes plus chers amis, je crois que le poème est avant tout l’incendie des aspects. C’est de présence au monde qu’il est question, non de description ni de célébration factuelle et, justement, le trait fondamental de cette présence est que par son regard, elle est aussi question née de la rencontre entre l’esprit du regardeur et le monde, dans une double vigilance où tous deux regardent, s’avancent l’un vers l’autre, se détachent de leurs rivages pour former à la fois le fruit de l’être ici et par ce fruit le seuil de la question, comme en ce poème, dernier d’un livre intitulé Patience de l’horizon :

 

 

 

Ici, je suis au bord du monde, en ce brouillard

 

Qui s’ouvre et se dilue,

 

Parlant à la question

 

Demeurée bleue

 

Dans le regard de l’heure ;

 

Ici est l’intervalle,

 

Où la fraîcheur conduit les yeux

 

Parmi les nombres clairs ;

 

Ici est l’équilibre, ici l’afflux, le calme et le sourire,

 

Les voix très lisses et lumineuses portant très haut leurs corps,

 

La bague de seins vivants,

 

Le lent navire de la couleur,

 

Ici,

Dans l’axe de l’étoile.

 

 

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La question du poème commence par une affirmation, position qui n’est paradoxale qu’en apparence, si l’on songe que c’est d’abord d’être avec ce qui est, de l’accueillir en se portant vers lui, qui seul peut donner forme à la question. Comme j’ai pu l’écrire au début de l’ouvrage que j’ai consacré à Salah Stétié dans la collection Poètes d’Aujourd’hui, des éditions Seghers, les poètes sont des contemplatifs en acte. Il faut d’abord être là, avec une telle intensité vacante que, peu à peu, l’esprit et le corps, se détachant de leur centre, sans cesser d’être au lieu de leur présence, s’ouvrent à l’avant d’eux-mêmes.

Ce trajet instantané, qui n’est ni d’oubli, ni de rupture, ni davantage désertion de soi, permet alors une participation intime par transparence à la substance des choses et, par elles, à leur être propre, jusque l’essence. Etre au monde est cela : entrer dans cette veille où par l’œil et la pensée désamarrée de ses préoccupations aussi bien concrètes que théoriques, atteignent ensemble ce point d’invisible sans pesanteur, où elles sont vague avec la vague, chemin de l’air dans le chemin de l’air, visible avec le visible, offrande selon l’offrande. En un sens, le poème est déjà presque entièrement tissé dans cet instant qu’on pourrait qualifier de phénoménologique, mais qui est à mon sens infiniment plus, pour ce qu’il signifie encore un éveil, une communication entre ce qui n’est plus le seul et pauvre moi, mais ce que certaines psychologies spirituelles nomment le soi et que j’oserai appeler le soi du monde, l’un et l’autre demeurant eux-mêmes dans cet enlacement paradoxal où conscience et substance se superposent, s’échangent et s’éclairent sans se perdre, comme l’eau proustienne de la Vivonne dans les carafes mises à rafraîchir au sein de la rivière. Cette métamorphose par translucidité réciproque fait apparaître la question.

Celle-ci n’est pas, comme on le croit souvent à lire les philosophes, ou plus exactement à les lire mal, convocation hautaine et arrogante d’une raison impérieuse qui appellerait le monde à la barre et le sommerait de se justifier en termes clairs et définitifs, mais suggestion issue de la chair même de ce qui est. Cette question, inlassablement, le poème la reprend, une fois que l’expérience qui le fait naître se réunit dans le verbe, selon un lent chemin de la patience, quelquefois, par miracle, en un surgissement aussi soudain qu’une aurore formant son feu à la lisière du vide.

Derrière la fine substance du monde diurne qu’il habite, ce monde où luit la bague de seins vivants et passe le lent navire de la couleur, le poème est en effet en quête d’une étoile, et c’est aussi de nuit, parfois même d’entêtement obscur qu’il se nourrit, comme en cette mystérieuse page de Rilke, citée par Gaston Bachelard dans La Terre et les rêveries du repos, où l’auteur et des jeunes filles goûtent « au lait noir d’une chèvre nocturne ». Gardien d’une vigilance, d’une attente et d’une interrogation, le poète se tient aussi dans une maison tout à la fois précaire et solide, qu’elle soit couverte d’un toit, ou simplement posée à ciel ouvert à l’épaulement d’une falaise. Il y est seul, avec pour unique instrument la lampe de sa fidélité, quelquefois, par don d’énigme, une compagne d’ombre, son double et sa sœur, qui n’est pas simplement une amoureuse, mais aussi manifestation de soi en anima :

 

Tu es la sœur de mon silence,

La très lointaine à mon épaule,

Promesse, Ô ma bougie,

Patience aux mains gravées d’étoile

Selon le chiffre d’une ortie.

 

Par toi, l’eau noire de cette ampoule qui est pureté

Mordue d’amour,

L’écartelé de ces lueurs,

Le gouffre et le feuillage,

Et la torsion des linges au point du jour,

 

Ma sœur dans l’incertain.

 

Pour autant, en sa solitude, selon ses chemins d’absence et d’attente, le poème est attestation, même à l’heure nocturne où il subit l’épreuve du plus grand désert. Quelle que soit en effet la réponse, qu’il y ait ou non une réponse, le monde n’est pas moins là, présent malgré la neige, la brume et les ténèbres. S’il sait veiller assez longtemps avec la pierre du gel qu’est aussi la lampe, il sait au moins qu’il y aura un matin et que, par ce matin, sera donné le beau visage inexplicable et à jamais injustifié qui par cela possède le don le plus précieux, ce beau visage fêlé d’azur et de lumière en unité :

 

Sur le rivage de tout à l’heure,

Apparaîtront ses bagues, et les colliers,

Comme dés masqués à l’aventure,

Galets veinés d’échos au répandu de l’apparence

Par nombres et  lettres inconnues

Disséminant leurs clés, le beau visage,

Félin fondamental et nu

De l’invisible

 

A fleur de liesse.

 

 

Marc-Henri Arfeux

 

 

 

 

 

 

 

8 janvier 2015

JOUR DE DEUIL

Leurs noms frappés de nuit
Ont le visage aimé des hommes ineffaçables,
Et leurs visages, les yeux tissés d'enfance
Où la tendresse joue à l'escarpolette
Avec les étincelles du rire heureux de rire
Tenant tête aux tueurs.

Les chats, les femmes et les oiseaux
Forment cortège autour de ce courage
Qui n'a d'autre soleil que le raisin de vivre
Au coeur du temps, par la jeunesse
Qui pas une heure n'a renoncé.

Que chante encore le merle à son arbre insolent !

© Marc-Henri Arfeux en ce jour de deuil

 

 

 

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1 janvier 2015

FLORILEGE DU NOUVEL AN

A l'occasion du Nouvel An, voici quelques fragments inspirés par les oeuvres de quelques amis intérieurs, certains d'ici, d'autres de cet ailleurs où continue de vivre leur aura. Je souhaite à tous une belle et féconde année 2015 !

 

 

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 Robert Lobet, peintre, graveur, sculpteur, éditeur, peinture, exposition à Nogent le Roi

http://www.robert-lobet.com  https://www.facebook.com/robert.lobet.5?fref=ts

 

Les portes de l'écorce ont ouvert le silence. Et la maison devient ce lent chemin de souffle, salons en enfilade où naissent les nombres et les promesses par le baiser de ton regard qui de très loin s'appuie au mien. Ma soeur dans l'invisible est ce sourire de la distance, tandis que les fenêtres et les fiançailles de la forêt. 

 

 

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Abigail Stern, artiste plasticienne, Book 1: Korean Pillow: (A Book of Diptychs): (pages 25 & 26, alternate view): Mixed media on Hanji book. (9 x 23 3/4 inches)  http://www.abigailstern.com  https://www.facebook.com/abigailstern1

 

Naissance d'une pyramide en un matin de transparence. Le monde est l'enfant bleu de son regard dans les jardins de la fraîcheur. Elle ouvre l'horizon, rosier triangulaire multiplié par les trois purs et les quatre visages, et son sommet devient la grâce pour un oiseau d'envol.

 

 

 

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 Sophie Mariel, écrivain, photographe, vidéaste, Las Cruzes, Nouveau Mexique

http://www.sophiemariel.fr  https://www.facebook.com/sophie.mariel.5?fref=photo

 

On devine le vent du soir, venu flairer tempes et chevilles pendant la courte halte, tandis que l'horizon soulève son ciel suave et duveteux parlant d'anges et de cygnes aux Léda nomades, grand rideau théâtral aux bleus flous, fuyants sur le lointain du presque crépuscule. Regain de jour sacralisé par son ailleurs avant la nuit, appel ambré qui se révèle au seul regard, dans cette sorte de silence sauvage fouetté par le passage de quelques rares camions, le sifflement des herbes et cet immense baiser face contre face de l'espace grand ouvert.

 

 

 

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 Joseph Beuys, Sans titre, dessin de miel  https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00595024/document

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L'homme est empreinte émue de miel sous la nuée solaire. Lever de fleur dans le brouillard de ce pollen qu'on nomme une aube.

 

 

 

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 Jürgen Heckel, photographe et musicien  https://www.behance.net/sogar_heckel

 

Ils vinrent par la blancheur, quatre ambassadeurs montant de la brume sur l'étendue de neige où leurs pas étaient silence, pure apesanteur n'imprimant nulle empreinte, comme seuls les anges dans la limpidité de l'incertain.

 

 

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Patrice Giorda, peintre, Santo Spirito, Acrylique sur toile, 150X150cm, 2006

 http://www.giorda.fr  https://www.facebook.com/patrice.giorda?fref=ts

 

Etonnament, Santo Spirito et les édifices voisins semblent des bâtisses abandonnées sur une île de la lagune vénitienne. Tout semble si désert, ouvert au silence d'un horizon sans mesure terrestre qu'on ne s'étonnerait guère de voir passer une barque de pêcheur, glissant entre les herbes marécageuses du premier plan et la rive d'en face, ténébreuse, engloutie dans sa désolation. Monde flottant, dont émane une étrange sérénité menaçante et hypnotique.

 

 

 

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 Marc Lagoutte, photographe, https://www.facebook.com/talamone

 

Née d'un collier sans fil qui se disperse, l'aura de l'avant jour est premier monde, jardin de profondeur par l'eau et le brouillard. Le vide n'est pas absence, désolation de l'implacable, ou manque béant, mais profusion d'indéfini montant silencieusement dans la substance d'une aube, et son désert, pressentiment. La voyageuse est aux lisières de tout regard, les lèvres closes, dans le silence ouvert qui la formule et la retient, comme est toute rose fondamentale ; une invisible que son chemin révèle ainsi qu'une goutte à la surface du temps.

 

 

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Jean-Claude Terrier, peintre, Série : "L'écart, l'entre" - "Evanescence, l'aube" seconde version 195x130 - 2014

http://www.terrier-peinture.com  https://www.facebook.com/JeanClaudeTerrier.Peinture?fref=ts

 

L'aube est bien cette eau blanche qui se précipite entre des forêts de nuit. Elle a nuée, visage et neige, selon son ange. L'absence est le flambeau de la pâleur qui veille en elle un astre humide.

 

 

 

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Abigail Stern, Untitled 21, 2013: Gouache and oil stick on slate. (11 3/4 x 11 3/4 inches)

 

Théâtre de la neige, au petit jour. Dans la maison du givre, l'attente est un brouillard en forme de veilleuse, gardienne des vitres étoilées par une fourrure d'absence où la vision se pose, fin papillon fragile né avec l'aube qui frôle d'un songe tout l'immobile du pays clos. La féérie peut commencer, par ce fantôme d'une seule fumée qui vient à ces fenêtres et les traverse d'une pensée toujours unique, égale et sans lisière tant l'infini des arbres blancs liés l'emporte au grand miroir de leur envers.

 

 

 

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 Robert Lobet dans l'atelier de la Margeride

 

L'oiseau marin du livre est né de mains ocrées, frottées d'azur et de pollen. Il est la plus ancienne jeunesse qui monte à la fontaine où tant de lèvres et de regards ont épousé les roses de leurs chemins tremblants.

 

 

 

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 Jean-Pierre Dupuy, Photographe, Ville en angles n° 273

https://www.facebook.com/jeanpierre.dupuy1?fref=ts 

 

Là où la rue se fait grotte, à flancs de nuit et de mémoire pure sans objet, simple matière de la mémoire et ses nodosités, aspérités, grandes plages de muraille lisse ou craquelée, selon les escaliers et les tournants de cette ville de hauteurs et d'abîmes qui n'est plus telle ville en un lieu nommé, mais désormais seulement capitale de l'ombre et de la déambulation où marcher sans fin demeure la seule issue dans le silence. Mais celui-ci n'est pas si total qu'il ne soit habité de murmures, exhalaisons de voix qui se sont tues et continuent toujours de chuchoter, suggérer, mourir d'amour, implorer, psalmodier, réciter ; parfois c'est un bref éclat de rire qui étincelle une seconde comme une allumette frottée dans le noir, et d'autres un chant de femme qui s'élève à demi du rien comme un foulard de soie d'un gris blanc translucide, ondule horizontalement puis s'efface. Un enfant compte et recompte par salves entrecoupées de vides d'interminable et incompréhensibles opérations, un réveil fantôme fait soudain pleuvoir sa grêle d'heure fatidique tout en s'éloignant puis se résorbe d'un coup, comme s'il n'avait jamais sonné. De longs instants de souffle en suspens, errent dans les détours du labyrinthe,, vent de solitude frottant sa tristesse aux murs dont la tombée verticale est si ancienne, si démesurée, massive et farouchement close qu'on se croirait sous les bastions infranchissables de quelque pensionnat glacial où pleurent la poussière et les rayons de lune en des corridors et des salles désertés, tandis que toujours s'incante au coeur du dédale la naissance infinie d'un rosier.

 

 

 

 

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Clément Montolio, peintre, Sans titre, aquarelle sur papier - 65 x 50 cm, 2011

http://www.clementmontolio.fr  https://www.facebook.com/clement.montolio?fref=ts

 

Les eaux seront très hautes,

Et nous allons dormir.

Plus rien ne peut venir

De la forêt masquée.

Les chemins sont fermés

Jusqu’au-delà des plaines,

Comme sont aussi tous les volets

En cette auberge des lointains

Que tu ne connais pas.

 

Nous reviendrons peut-être

Aux vitres étonnées

Si le brouillard du sang

Nous rend au petit jour.

Tu seras brève et cristalline

Ainsi qu’un peuplier

Dont la plus haute image,

Pulvérisée,

Rejoint la transparence

Par le flambeau de l’air.

 

 

 

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Patrick Rousseau, peintre https://www.facebook.com/patrick.rousseau.75?fref=ts

 

 

Un hiver pourpre et sa neige d'oriflammes. Le très grand vent de liesse réveille les braises du gel. Jaspes et marbres du haut froid, beau vif aux gestes passionnés d'amante déchirant brusquement ses lettres et ses habits pour se jeter dans la tempête illuminée de son abolition.

 

 

 

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Sophie Mariel, Autoportrait

 

Dans ma bouche est fantôme tenant aura de nuit. Dans ma bouche est visage ouvrant un papillon. Dans ma bouche est nuage formant colombe et double noir d'un astre nu. Dans ma bouche est silence, rougeur de l'anthracite où le lilas des cendres encercle un lent jardin, fumée de roses offertes au blond chemin troublé d'un jour d'automne.

 

 

 

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 Jean-Pierre Dupuy, Sans titre

 

Il arrive au silence de suivre un lent couloir

Conduisant à son double,

Fenêtre d'un brouillard où le visage est lampe

Dissimulée,

Aura d'une amoureuse

Dont le regard d'oubli continue de brûler

Dans le lointain arrière-pays

Où veillent encore la clé, le nombre

Et la lumière

De sa disparition.

 

 

 

 

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Marc Lagoutte, route et paysage au givre

 

La route sans qu'aucun signe manifeste en porte témoignage venait de pénétrer dans le domaine où, par l'hiver, des floraisons d'avril rencontrent tout à coup un jour d'étain étendu par décembre. Surface et profondeur ne sont alors plus qu'un feuillet d'éblouissement dans l'indécis de l'heure qui porte crépuscule de l'aube jusque à la nuit.

 

 

 

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Yann Fravalo-riopelle, Photographe, Forêt, de lui ou d'un autre, je ne sais

https://www.facebook.com/yann.fravaloriopelle?fref=ts

 

Puis elle entra dans le domaine par l'un de ses chemins qui en cherchaient longtemps le seuil, prélude où par la brume chacun de ses emblèmes apparaissait déjà, masqué d'estompe et de silence. Dès le matin venait déjà le crépuscule tôt reparu l'après midi pour graduellement fondre dans le soir à la façon d'une bruine qui n'est que sa vapeur d'avant la nuit. Ainsi les heures, plombées d'indéfini, ne se levant que pour ouvrir la profondeur sur la retombée lente irrésistible des brouillards faisant de ces futaies et ces halliers son oeuvre au noir, lithographie d'insaisissable où s'avancer sur le chemin était en soi un charme accompagnant l'esprit.

 

 

 

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Patrice Giorda, Le couchant n° 2, Acrylique sur toile, 116X89cm, 2003

 

Un lion de roche vient boire la folie jaune. Le vent du soir renverse l'herbe sur le talus sauvage tandis qu'à contre souffle un grand lilas se précipite.

 

 

 

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Jean-Claude Terrier, Acrylique sur toile 150x150

 

Lueur outrepassant la ferme porte du silence, devenue cette ardoise où l'invisible écrit sa trace puis l'essuyant, lui donne élan contre l'absence...

 

 

 

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Marc Lagoutte, Route forestière

 

Passé le seuil des arbres, la route entrait dans l'inconnu de la beauté par la lumière. Martin fit quelques pas sur le goudron de couleur mauve, comme toujours en ce pays de granit, de sources et de forêts. Ses pas firent craquer de menus graviers. C'était le seul son de tout l'espace en cette heure ouverte jusque au rebord de l'horizon. Il n'y avait personne. Seulement le fin glissement de l'air qui s'épanouissait dans le premier matin. A quelques pas, derrière la vapeur du soleil éclata soudain, comme un fruit mûr, le chant luisant d'un merle noir.

 

 

 

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 Clément Montolio, Sans titre, aquarelle sur papier - 65 x 50 cm, 2011

 

Tes seins, dépossédés,

Touchent à cette heure de lampe

Effacée d’avant jour.

 

Car nous avons été jusqu’à ce froid de vitre nue

Blessée par l’incolore,

Et nos fantômes gisent à nos pieds

Dans un long miel séché,

Tandis que vient le monde en ligne de brouillard.

 

Ce serait jeu perdu si ne veillaient tes seins

Dans le tremblé de la poussière

Où la chambre épuisée rassemble ton visage.

 

 

 

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 Jean-Claude Terrier, Acrylique sur toile 130x195

 

Ouvrir la nuit dans un lointain de neige où le très sombre coeur devient lilas de l'infini.
Ouvrir le chant aux cordes du silence, par embellie de la lumière.
Le long regard vient aux fenêtres, verger de vitres nues où le matin de la question
Devient la forme d'un sourire.

 

 

 

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Robert Lobet , Sans titre, 150X100, Technique mixte, 2012

 

La nuit jardin de neige et d'immobile dans la maison du sang.
Absence de ce refuge où tu parlais avec la lune
Par insomnies et larmes sèches.
Le cercle est enfermé dans un carré désert 
Où même l'oubli se heurte aux murs.
La soif est seule avec les noms terribles
Et ce rocher de bleu dans l'obsession des heures.

 

 

 

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Patrick Rousseau, Peinture

 

Voilé de neige,
Comme un silence
Devenu son domaine
Est ce regard de l'immobile
Que l'on ne voit,
Mais qu'on pressent
Par l'ambre et le lointain,
Maison d'absence
Où veille une étrangère
Douée de nuit.

 

 

 

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Mika Tajima, Peintre plasticienne  mika tajima artist

 

Il serait nuit si ne veillait la souriante 
Allongée sur les eaux,
Vivante indéfinie
Que nul amer n’éteint.

Elle est,
Par ambre de lisière,
Journée de monde
A l’horizon.

Ses yeux légers,
Voilant la profondeur
Dans le raisin de son visage,
Reforment sur l’espace 
Le flambeau d’un sourire.

 

 

 

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 Katie Bell, Artiste Plasticienne, Broke, 11X12 In paper, Acrylic, foam and plaster

http://www.katiebellstudio.com

 

Pureté de Katie Bell

Maison de neige, coeur de pollen est ton regard à l'invisible du matin. La lampe est blanche comme le silence de la promesse, visage ému de pure absence aux vitres du brouillard. C'est nuit de neige, avec une aube à la mesure des yeux qui la dévoilent, muette et nue par sa lueur, ainsi qu'un fleuve qui est, fumée de son cheval. Il passe et disparaît. Puis la forêt devient ce vide et tout oiseau, toute pierre et tout chemin. Demeure la chambre de distance où le verger du givre aux parois blanches éblouissantes, ô mon Amour, ma seule, vivant de nuit, de lampe et de fenêtre avec ce verre taché d'une aube.

 

 

 

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Marc-Henri Arfeux, Léman, Acrylique sur toile 

 

Le voyageur du seuil

Revient à sa maison,

Feu grandissant

Selon le chant de solitude,

Ô bleu !

Ton matin d’intervalle

En cette nuit portée si haut,

Dont le rocher vacille

A l’épaulement du flou.

 

Déjà, le voyageur est loin,

N’ayant laissé parmi les pierres

Que l’assiettée de quelques signes,

Ce peu de lait, de cendres et de vent pur.

Et l’Ange de l’entre deux contemple

En sa nuée

Ce qui de nous s’élève,

Le cœur naissant,

A la rencontre silencieuse.

 

Promesse à l’incertain de l’heure,

S’ouvre le vide, uni d’un lieu

Sans paysage.

Cela va grandissant par immobile

Jusque à l’épure,

Sourire d’un lac irrévélé

Avec le souffle clair, l’accord de l’horizon,

Les frêles jardins mouvants de l’œil,

Dans le pressentiment des brumes.

 

Mais pas encore,

Seulement cet instant nu,

Oiseau de l’évasif

Traçant la profondeur,

Le beau qui vive indéfini

Et l’aliment du froid.

Le froid devient la lampe,

Le fleuve où le regard

Seulement devient.

 

La lampe est un granit avec un pin désert

Se souvenant,

D’ultime étoile.

Ne reste

Aux mains trouées que le

Silence, l’inharmonique

Et long silence tissé d’approche et de distance

Par le peut-être d’un matin.

Mais rien que l’on saisisse,

 

Et rien qu’un geste pâle,

Noué

Par sa vapeur.

C’est là tout l’enchantement.

Il porte témoignage

Pour les fiançailles de la couleur.

La fiancée dort.

Elle est,

Inexistante et solitaire.

 

Il faut encore bercer l’empreinte

Qui rêve à son absence

De non rêveuse dormante et non dormie,

Comme un amour dans sa ferveur

De non amour ;

Se rappeler tous les lotus et les iris

De ses seins durs parmi les vagues,

Tandis qu’elle parle et se passionne

Selon le monde.

 

Sur le rivage de tout à l’heure,

Apparaîtront ses bagues, et les colliers,

Comme dés masqués à l’aventure,

Galets veinés d’échos au répandu de l’apparence

Par nombres et  lettres inconnues

Disséminant leurs clés, le beau visage,

Félin fondamental et nu

De l’invisible

 

A fleur de liesse.

 

 

© Marc-Henri Arfeux, all rights reserved

 

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21 décembre 2014

LECTURE DU DEBUT DE L'AMBASSADEUR

Lecture du début de L'Ambassadeur à Montpellier, à l'occasion de la remise de Grand Prix de Prose Gaston Baisette 2014 :

 

 

Début du texte de L'Ambassadeur :

 

La chambre était en ordre irréprochable, selon sa règle habituelle. Lorsque j’y pénétrai, l’orage venait à peine de s’éloigner, libérant une lumière ambrée dont la coulée soudaine glissait contre la table et venait presque jusqu’au lit. Par la fenêtre ouverte, les salves d’hirondelles rejaillissaient dans l’air mouillé, avec la virulence aigue et fraîche de l’éternelle jeunesse, tandis que les derniers roulements du ciel s’effaçaient vers la mer comme les fumées d’un lent navire sortant du port. Bientôt, la chaleur de mi-juin, gorgée d’humidité à la manière de ces pivoines qui se redressent et se dilatent en fin d’après-midi, se traînerait à nouveau parmi les rues, dans les battements de pas, les voix croisées, les incessantes grappes des klaxons et les chansons sentimentales dans les cafés du voisinage. Mais pour l’instant, la soudaine embellie imposait un suspens à la rue Fouad pendant que je considérais la pièce où Nour Warden avait dormi, écrit et médité au cours des cinq dernières années. Le reste du petit appartement m’était infiniment plus familier. Je gardais le souvenir de longues soirées passées à discuter dans le salon donnant sur cour, de la préparation du thé, à la cuisine où les carreaux gris bleu et blond passé renvoyaient la lumière de telle façon qu’à certaines heures on avait l’impression d’entrer dans un bassin. Il y avait aussi le corridor aux inflexions inattendues, qui serpentait depuis le hall jusqu’à cette chambre solitaire, pourtant tournée vers la rue Fouad qui lui communiquait sa pulsation, filtrée, il était vrai, par les fenêtres et les volets aux heures de sieste ou de très haute circulation, chambre étonnement calme au beau milieu de tant d’échos et de clameurs, telle une oreille subtile qui sans rien perdre du dehors sait se mettre à l’écoute de ses propres silences. Or, justement, cette pièce où, en cinq ans, je n’avais pénétré que trois ou quatre fois, était dorénavant la seule à retenir mon attention, mais non pour cette raison qu’on y avait ramené le corps de Nour afin de le soustraire à la curiosité publique et le veiller dans la plus stricte dignité : très étrangement, il me semblait qu’elle était seule dans tout l’appartement à conserver la forme immatérielle de l’amitié qui nous avait unis. Ma certitude tenait sans doute à l’intuition plus ou moins fine ou illusoire qui envahit les survivants intimes après un drame comme celui qui avait emporté Nour, drame d’autant plus violent, pour nous qui l’admirions et qui l’aimions, qu’il n’avait pas laissé de lettre et qu’aucun signe d’aucune sorte ne nous avait permis de soupçonner l’approche du pire. La plupart d’entre nous pensaient comme la police : s’il avait fait le choix de l’hôtel Kiosk où il n’était jamais allé auparavant, c’était pour être sûr que nul hasard, tel celui d’une visite inattendue ou d’un appel téléphonique, ne viendrait s’interposer entre son acte et son projet. Sans doute était-ce aussi de la pudeur envers Zhora : il avait su lui épargner l’épreuve de découvrir son corps à l’heure où d’habitude elle arrivait chez lui. La même pudeur avait encore trouvé sa forme dans le pourboire qu’il avait discrètement laissé sur le bureau de réception lorsqu’il avait réglé d’avance la chambre où il devait ensuite s’allonger sur le lit et « se donner la mort », selon la surprenante formule de l’usage ordinaire. Que se donne-t-on vraiment lorsqu’on décide de se tirer un coup de revolver au cœur ou à la tempe, de se jeter du haut d’un pont, de se trancher les veines, ou, comme il l’avait fait, d’absorber des médicaments ? Et que regarde-t-on à la seconde où la bouée du tout dernier recours est désormais hors de portée ?

 

© Marc-Henri Arfeux, Souffles, 2014, all rights reserved

 

1

Marc-Henri Arfeux, Offrande : pétales, graines, pierres, fossile, cuiller à fard égyptienne (copie de l'oeuvre originelle)

 

 

 

 

 

 

21 décembre 2014

PARUTION DE L'AMBASSADEUR

Samedi 13 Décembre, le Grand Prix de Prose Gaston Baissette 2014 m'a été remis au salon Polygone du Corum de Montpellier. Etaient notamment présents, Christophe Corps, poète et rédacteur en chef de Souffles, Jannick Rouger du Teil, co rédactrice en chef, Marc Wetzel, coordonateur à Souffles, et le poète Jean Joubert en qualité d'ami de Souffles et d'invité d'honneur de la soirée.

 

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Lecture du début de L'Ambassadeur

 

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Christophe Corps, au fond à droite, Jean Joubert

 

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Marc Wetzel, à l'arrière, chevelure blonde, Jannick Rouger du Teil

 

 L'Ambassadeur est disponible auprès de Souffles, 45 rue Léon Blum, 34660, Cournonterral. Le livre est vendu 10 euros. Je précise que je ne touche pas de droits d'auteurs sur les commandes faîtes auprès de Souffles, magnifique revue et maison d'édition, qui a besoin de ce bénéfice pour continuer de vivre. J'ai été assez généreusement récompensé par ce prix et 100 exemplaires du livre pour souhaiter que Souffles en tire un profit bien mérité.

 

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